Le processus décisionnel de l'Union européenne est façonné par un vaste réseau de groupes d'intérêt, allant des ONG et associations professionnelles aux lobbyistes d'entreprises et groupes de réflexion. Avec plus de 13 000 entités enregistrées, le registre de transparence de l'UE permet de savoir qui influence la législation – et comment.

Par Aleksandra Krzysztoszek (EURACTIV.pl)

Les institutions européennes collaborent avec de nombreux groupes et organisations qui représentent des intérêts spécifiques et exercent des activités de lobbying. Il s'agit d'un élément légitime, voire essentiel, du processus décisionnel. Collaborer avec ces groupes permet à l'UE de « répondre aux besoins réels des citoyens », comme le souligne le Parlement européen.

Les groupes d'intérêt qui collaborent avec les institutions européennes non seulement militent en faveur de législations spécifiques, mais aussi, et surtout, apportent à l'UE leur expertise dans divers domaines tels que l'économie, la société, l'environnement et la science. Ils peuvent ainsi jouer un rôle crucial dans le dialogue sur lequel repose le système démocratique, tel qu'il est reflété dans le Traité sur l'Union européenne.

« Les institutions donnent, par les moyens appropriés, aux citoyens et aux associations représentatives la possibilité de faire connaître et d'échanger publiquement leurs points de vue dans tous les domaines d'action de l'Union. Elles entretiennent également un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile », stipule l'article 11 du TUE.

Comment fonctionne le lobbying dans l'UE

Le processus législatif de l’UE commence souvent par des séminaires, des débats et d’autres événements organisés par les institutions de l’UE ou les parties prenantes pour discuter des besoins réglementaires et des efforts passés dans le domaine.

Les groupes de travail de la Commission européenne – composés d'experts, de représentants d'entreprises et d'ONG – jouent un rôle essentiel dans l'élaboration des propositions législatives initiales. Cette étape est cruciale car les parties prenantes peuvent façonner l'orientation des politiques futures en participant aux discussions, en échangeant leurs points de vue et en apportant leur expertise.

Le lobbying prend différentes formes selon les institutions européennes. Au Parlement européen, les organisations de lobbying identifient les députés européens les plus influents sur un texte législatif particulier, tels que les rapporteurs, les rapporteurs fictifs et les présidents ou membres des commissions parlementaires concernées.

Les lobbyistes fournissent ensuite à ces députés des analyses, des rapports et d'autres documents destinés à façonner leurs positions sur des questions spécifiques. Leur objectif est de mettre en évidence les avantages ou les risques des réglementations proposées du point de vue du secteur qu'ils représentent.

Les groupes d'intérêt organisent également des conférences, des séminaires et des ateliers à Bruxelles ou à Strasbourg, où le Parlement européen tient ses sessions plénières, et invitent les députés européens à y assister. Ces événements offrent aux lobbyistes un accès direct aux décideurs.

Au Conseil de l’UE, les groupes d’intérêt s’attachent à dialoguer avec les représentations permanentes des États membres à Bruxelles, en présentant des arguments et des demandes qui peuvent être soulevés lors des discussions au sein des groupes de travail du Conseil ou lors des réunions ministérielles.

Les organisations de lobbying suivent de près la position de chaque pays sur les différentes propositions législatives et leurs dispositions spécifiques. Cela leur permet d'affiner leurs stratégies et de se concentrer sur les États dont le soutien ou l'opposition pourrait faire la réussite ou l'échec d'une proposition.

Les groupes d’intérêt opèrent également au niveau national, influençant la formation des positions gouvernementales avant qu’elles ne soient présentées à Bruxelles.

Registre de transparence

Le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne partagent un registre de transparence commun, témoignant de leur engagement en faveur de l'ouverture et de la transparence. Ce registre fournit des informations accessibles sur les activités de lobbying auprès des institutions européennes, ainsi que des données statistiques sur toutes les entités enregistrées.

Le registre de transparence fournit des informations détaillées sur les groupes d’intérêt actifs au sein des institutions de l’UE, ainsi que des données statistiques sur toutes les entités enregistrées.

Bien que l'inscription soit généralement facultative, les représentants de groupes d'intérêt sont encouragés à s'inscrire si leurs activités influencent l'élaboration, la mise en œuvre ou la prise de décision des politiques au sein de l'UE. Cependant, chaque institution a ses propres règles supplémentaires, qui, dans certains cas, font de l'inscription une condition préalable à la participation à certaines activités.

Par exemple, l’inscription est nécessaire pour obtenir un laissez-passer donnant accès au Parlement européen, pour prendre la parole lors des auditions publiques des commissions et pour soutenir ou participer aux initiatives intergroupes et aux initiatives informelles des groupes parlementaires.

L'inscription offre également des avantages aux groupes d'intérêt, tels que l'accès aux notifications sur les activités des commissions du Parlement européen en rapport avec leurs travaux, la possibilité de co-organiser des événements et l'éligibilité au parrainage du Président du Parlement. Le registre est géré conjointement par le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne.

Transparence dans les contacts de lobbying

Tout député européen, commissaire européen et fonctionnaire de l'UE est tenu de divulguer les réunions prévues avec des représentants de groupes d'intérêt couverts par l'accord interinstitutionnel sur le registre de transparence ou avec des autorités publiques de pays tiers. Ces informations doivent être publiées en ligne.

Ils doivent rendre compte de chaque réunion, qu’elle soit en personne ou à distance, qui se rapporte à leur travail parlementaire – comme un rapport, un avis, une résolution ou un débat au Parlement européen – si la réunion vise à influencer la politique ou la prise de décision de l’UE au nom d’un groupe d’intérêt.

En outre, les rapporteurs d'actes législatifs sont tenus d'inclure dans leurs rapports ou avis la liste des entités ou des personnes ayant apporté leur contribution sur le sujet. Cette liste est publiée avec le rapport une fois celui-ci adopté par la commission compétente. « Cela permet aux députés européens de savoir quelles opinions ont été prises en compte avant le vote final au Parlement », explique le Parlement européen.

La publication de cette liste est distincte de l'obligation de déclarer les réunions avec les représentants des groupes d'intérêt. Elle permet toutefois aux rapporteurs de compléter leurs déclarations concernant ces réunions.

Lors des travaux législatifs, les députés européens forment des intergroupes, des groupes informels interpartis qui facilitent les échanges sur des sujets spécifiques entre eux et avec la société civile.

Seuls les groupes d’intérêt inscrits au Registre de transparence sont autorisés à participer aux activités intergroupes, à offrir un soutien ou à co-organiser leurs événements.

Les présidents d’intergroupes sont tenus de soumettre des déclarations annuelles détaillant tout soutien reçu, qu’il soit financier ou non financier.

Entre-temps, la Commission européenne a introduit de nouvelles règles, en vigueur à partir du 1er janvier de cette année, étendant les exigences du registre de transparence à tous les hauts fonctionnaires de la Commission concernant leurs réunions avec les représentants des groupes d'intérêt.

Seuls les groupes enregistrés sont autorisés à rencontrer les commissaires, les membres de leur cabinet et les hauts fonctionnaires de la Commission, y compris les directeurs généraux.

Pays avec les lobbyistes les plus actifs

Le registre de transparence de l'Union européenne a été lancé le 23 juin 2011. En décembre 2024, il comptait 13 182 groupes d'intérêts enregistrés. Parmi eux, 8 919 représentaient leurs propres intérêts ou ceux de leurs membres, 3 785 n'avaient aucun intérêt commercial et 536 défendaient les intérêts spécifiques de leurs clients.

Les catégories les plus importantes étaient les organisations non gouvernementales, les plateformes et les réseaux (3 643), suivis des entreprises et des groupes d’entreprises (3 509) et des associations commerciales et industrielles (2 650).

Le registre comprenait également 1 000 syndicats et associations professionnelles, 597 groupes de réflexion et instituts de recherche, 534 sociétés de conseil, 336 institutions universitaires, 182 entités publiques, 132 travailleurs indépendants, 75 cabinets d'avocats, 48 ​​organisations représentant des églises et des groupes religieux et 531 autres entités.

La Belgique comptait le plus grand nombre d’entités enregistrées (3 527), suivie de l’Allemagne (1 860), de la France (1 344), des Pays-Bas (881) et du Royaume-Uni (877).

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