Vivre avec un handicap en Macédoine du Nord représente un défi quotidien. Le système de santé, les infrastructures et les mentalités sociales ne parviennent souvent pas à apporter le soutien nécessaire à ces personnes, les laissant, ainsi que leurs familles, confrontées à une dure réalité. Pour s'en rendre compte, il suffit de passer un peu de temps au centre de jour CFKD (Soins aux enfants handicapés). Ce centre est un lieu chaleureux où se mêlent soins, éducation et socialisation pour 14 personnes âgées de 13 à 55 ans. Malgré des diagnostics différents, faute de pouvoir former des groupes séparés, elles passent la plupart de leur temps ensemble.

« La différence d’âge n’est pas un facteur important dans leurs relations. La plupart ont tissé des liens de toutes sortes, qu’ils soient étroits ou distants. Pour ces personnes, la communication verbale n’est pas toujours privilégiée ; leurs relations reposent donc sur différentes formes de communication à travers lesquelles elles expriment leurs opinions, leurs accords et désaccords, ainsi que leurs émotions », explique Aleksandra Nestoroska, psychologue au sein du centre.

S'il est difficile d'être une personne en situation de handicap, il est encore plus compliqué d'être une femme dans cette situation. Dans une société encore dominée par les normes patriarcales, les femmes handicapées subissent une double discrimination : à la fois en tant que personnes handicapées et en tant que femmes. De ce fait, pour beaucoup d'entre elles, l'accès à l'éducation, à l'emploi ou à une vie autonome est quasiment impossible.

« Je crois que la difficulté des soins dépend en grande partie du degré de handicap de la personne, mais je peux également confirmer que la nature même du sexe féminin représente un défi supplémentaire dans les soins prodigués », explique Aleksandra.

Les défis d'une fille atteinte du syndrome de Down : quand son propre corps devient un obstacle de plus

Imaginez maintenant être une fille atteinte de trisomie 21, d'autisme ou d'un autre diagnostic. En plus des difficultés quotidiennes liées à l'apprentissage, à l'intégration sociale et aux soins médicaux, vous devez faire face à un autre problème chaque mois : les menstruations. Pour la plupart des filles et des femmes, les menstruations sont un processus fatigant et parfois douloureux, mais pour une fille ayant des besoins spécifiques, ce cycle naturel devient un véritable défi.

« Souvent, ces personnes sont incapables de maintenir une hygiène personnelle autonome et ont besoin d'aide ou de surveillance. La compréhension des menstruations en tant que phénomène biologique varie considérablement : certaines sont capables de comprendre le phénomène et de prendre soin d'elles-mêmes ou d'accepter de l'aide, tandis que d'autres sont totalement incapables de le comprendre ou de maintenir une hygiène personnelle de manière indépendante. De plus, chacune réagit différemment aux symptômes des menstruations et du syndrome prémenstruel, tels que les douleurs, l'irritabilité et autres troubles similaires », souligne Aleksandra.

En Macédoine du Nord, même les filles sans handicap peinent à se procurer des protections menstruelles en raison de leur prix élevé et du manque d'accès à l'éducation menstruelle. Pour une fille ayant des besoins spécifiques, la situation est encore plus problématique, car elle peut ne pas savoir comment utiliser les protections ou avoir des difficultés à les changer régulièrement. Dans ces cas-là, la présence d'un parent ou d'un tuteur est essentielle, non seulement pour fournir financièrement les produits d'hygiène, mais aussi pour accompagner la fillette tout au long du processus.

« Oui, c’est la réalité pour ces personnes et leurs familles. Cela ne touche pas seulement la personne handicapée, mais aussi toutes celles qui l’aident. Les handicaps intellectuels et physiques ne les dispensent pas de la nature biologique du corps féminin. Je pense que le grand public n’a même pas encore pris conscience de cette réalité pour les femmes handicapées et leurs aidants », explique Aleksandra.

Pourquoi un soutien accru est-il si important ?

L’État doit prendre des mesures pour que les personnes ayant des besoins spécifiques, notamment les femmes et les filles, ne soient pas marginalisées. Des programmes d’éducation à l’hygiène menstruelle sont indispensables pour toutes les filles, quelles que soient leurs capacités. De plus, des centres de soutien devraient être mis en place pour que les filles atteintes de trisomie 21 et les femmes en situation de handicap puissent bénéficier de soins de santé et d’un accompagnement social adaptés.

Il est injuste qu'une fille en situation de handicap doive faire face à une double difficulté, non seulement en raison de son handicap, mais aussi à cause du manque de soutien de la société et de l'État. Il est temps que la société change d'approche et les considère comme des individus à part entière, dotés des mêmes droits, et non comme un fardeau à cacher ou à négliger.

D’après le recensement de 2021, le nombre de femmes en situation de handicap en Macédoine du Nord est supérieur à celui des hommes. Au total, 52 203 femmes vivent avec un handicap (mobilité, vision, audition, communication ou autre), contre 42 209 hommes.

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