Le plastique était autrefois un symbole de la vie moderne. Aujourd'hui, il représente l'un des problèmes environnementaux les plus urgents du XXIe siècle. Parmi les nombreuses menaces qu'il représente, les microplastiques – de minuscules fragments de plastique présents dans les rivières, les mers et les océans – suscitent de vives inquiétudes quant à leur impact sur la santé humaine et environnementale.

Les microplastiques présents dans les milieux aquatiques ne sont pas isolés. Ils accumulent facilement des biofilms, des communautés complexes de bactéries et de micro-organismes. Cette transformation des microplastiques en radeaux chargés de microbes soulève des inquiétudes quant au risque de dispersion massive d'agents pathogènes. Ces particules de plastique contaminées pourraient migrer des sources d'eau douce vers les océans et potentiellement s'infiltrer dans la chaîne alimentaire.

Mais une récente recherche européenne offre un tournant surprenant : l’eau salée semble agir comme un filtre naturel, empêchant de nombreux agents pathogènes d’eau douce de survivre au voyage vers la mer.

Une expédition scientifique à travers les fleuves d'Europe

Pour étudier l'évolution des bactéries liées aux microplastiques lors de leur migration de l'eau douce vers l'eau salée, une équipe de scientifiques français a lancé une ambitieuse expédition de recherche de sept mois . Ils ont navigué le long de neuf des plus importants fleuves d'Europe, dont le Rhin et la Seine, collectant des échantillons depuis leurs embouchures jusqu'aux zones situées juste au-dessus des grandes villes, là où l'impact humain sur la qualité de l'eau est le plus intense.

À chaque endroit, l'équipe a collecté des échantillons d'eau et des fragments de microplastique à l'aide de filets à mailles fines. Elle s'est particulièrement intéressée à l'impact de la salinité (le taux de sel dans l'eau) sur la vie microbienne présente sur le plastique.

Pour creuser encore plus profondément, les chercheurs ont également placé des morceaux de plastique propres (composés de polyéthylène, de nylon et de polyoxyméthylène) dans l'eau. Après un mois de flottaison, ces échantillons ont été récupérés et analysés pour y détecter l'ADN bactérien.

Toutes les précautions ont été prises pour éviter toute contamination. Les microplastiques ont été stérilisés à l'alcool, les outils désinfectés et les échantillons congelés instantanément dans de l'azote liquide. Un séquençage d'ADN et une spectrométrie infrarouge de pointe ont ensuite permis d'identifier les types de plastique et les microbes qui y vivent.

L'eau salée comme barrière microbienne

Les résultats ont surpris même les chercheurs. Les communautés bactériennes présentes sur les microplastiques différaient significativement entre les milieux d'eau douce, estuarien (où les rivières se jettent dans la mer) et marin. Les plastiques d'eau douce abritaient des bactéries bien plus diversifiées et abondantes que ceux trouvés dans la mer.

Plus frappant encore : des bactéries pathogènes comme Aeromonas , Acidovorax , Arcobacter et Prevotella n’ont été trouvées que dans les rivières, et non dans l’eau salée. En mer, un seul type d’agent pathogène – Vibrio – était dominant. Point crucial : rien n’indique que des agents pathogènes d’eau douce aient pénétré dans les milieux marins par l’intermédiaire du plastique.

Cela suggère que la salinité agit comme un puissant filtre naturel, rendant quasiment impossible la survie des microbes vivant dans les rivières. Les chercheurs ont qualifié cet effet de « forte pression sélective » – une sorte de tamis environnemental limitant la propagation d'organismes potentiellement nuisibles.

Une exception troublante

Si la plupart des résultats étaient rassurants, une exception notable a été constatée. Pour la première fois, des scientifiques ont identifié la bactérie Shewanella putrefaciens vivant sur un échantillon de microplastique provenant d'eau de rivière. Bien que peu dangereuse, cette bactérie peut provoquer des infections intestinales, cutanées et des tissus mous chez l'homme.

Heureusement, Shewanella n'a pas été trouvée dans les échantillons d'eau salée, confirmant une fois de plus le rôle protecteur de la salinité. Autre constat intéressant : le type de plastique ne semblait pas avoir beaucoup d'importance quant aux microbes qui le colonisaient. La majorité des microplastiques collectés étaient composés de polyéthylène (45 %) et de polypropylène (12 %), mais les bactéries ne semblaient pas avoir de préférences marquées.

Des études antérieures avaient suggéré que différents types de plastique pourraient influencer la formation du biofilm, mais cette recherche, basée sur un échantillonnage environnemental réel, n'a pas confirmé ce lien.

Ce que cela signifie pour la politique de l'UE et pour la planète

Au-delà de la curiosité scientifique, ces résultats ont des implications concrètes. Les politiques de l'Union européenne ciblent déjà la pollution plastique, en particulier les microplastiques. Des réglementations comme REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques), la directive-cadre sur l'eau (DCE) et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) font partie des outils juridiques de l'UE pour protéger les rivières, les lacs et les mers.

De nouvelles recherches apportent des preuves scientifiques solides indiquant que les biofilms présents sur les microplastiques peuvent abriter des microbes nocifs, bien que leur transfert entre l'eau douce et l'eau salée semble limité. Ces résultats sont essentiels à l'élaboration de stratégies environnementales efficaces visant à la fois à réduire la pollution plastique et à préserver la santé publique.

Les chercheurs soulignent que des études supplémentaires sont nécessaires, notamment sur les virus et les organismes unicellulaires qui pourraient également utiliser le plastique comme moyen de transport. Comprendre comment les marées, la température ou d'autres facteurs environnementaux affectent ces communautés microbiennes constitue un autre axe de recherche clé.

Un rappel de la science

Dans un monde où le plastique a atteint les régions les plus reculées de la planète, des études comme celle-ci soulignent l'importance de la recherche scientifique pour protéger notre avenir. Elles nous aident non seulement à comprendre la situation, mais aussi à faire des choix plus judicieux pour notre santé, nos écosystèmes et nos politiques.

Ainsi, même si les microplastiques constituent toujours une préoccupation environnementale majeure, il est rassurant de savoir que la nature, et plus précisément une pincée de sel, pourrait faire plus pour nous protéger que nous le pensions.

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