Un élément particulièrement frappant est le fort soutien apporté par la diaspora européenne aux candidats promouvant des positions nationalistes-souverainistes et une rhétorique anti-UE. Alina Dolea, directrice du département Médias et Communication de l'Université de Bournemouth (Royaume-Uni) et spécialiste de la communication et des études sur la diaspora, propose une analyse lucide et nuancée de ce phénomène apparemment paradoxal.

« Pourquoi les Roumains vivant en Europe votent-ils pour un projet souverainiste ? » – telle est la question qui a suscité une réponse diversifiée d'Alina Dolea. L'une des explications sous-jacentes est le désenchantement envers l'Europe occidentale. Autrefois idéalisé en Roumanie comme une terre de prospérité et d'opportunités, l'Occident est devenu, pour de nombreux migrants roumains, le théâtre de crises simultanées : économique, sociale, post-pandémique et géopolitique.

Cette rencontre avec la réalité – souvent dépourvue de tout soutien institutionnel pour aider à naviguer dans les différences culturelles – conduit à la déception, à la frustration et, en fin de compte, à un repli sur l’identité : un retour symbolique au « chez soi » et un soutien croissant aux messages politiques centrés sur la souveraineté , la protection et les racines.

Le besoin d'appartenance et l'impact de la propagande

Dans la diaspora, explique Dolea, le besoin d'appartenance s'est intensifié pendant l'isolement provoqué par la pandémie. Dans un contexte d'exclusion sociale ou de discours anti-immigration dans les pays d'accueil, certains Roumains ont cherché refuge dans un « refuge » fondé sur l'identité nationale. La propagande russe y a trouvé un terreau fertile. Les messages anti-occidentaux, conspirationnistes et anti-diversité ont été diffusés par des algorithmes qui valorisent les émotions négatives et la polarisation.

« Nous sommes au cœur d’une guerre hybride », prévient Dolea, « et les armes sont des discours – anti-européens, anti-science, anti-droits humains – qui circulent sur TikTok, Telegram et Facebook. » Ces discours exploitent les traumatismes de la migration et de la transition postcommuniste, la romantisation du passé et les fractures culturelles non résolues.

Culture, identité et échec de l'État roumain

Un autre facteur clé est l'absence de stratégie publique cohérente pour soutenir l'intégration culturelle. L'État roumain n'a pas proposé à sa diaspora de campagnes d'information, d'éducation civique et médiatique, de soutien psychologique ni d'outils de négociation interculturelle. Dans ce vide, l'Église – en particulier dans la diaspora – a occupé l'espace symbolique de l'identité, mais souvent de manière conservatrice, renforcée par la peur de l'altérité et des visions du monde fermées.

Dolea souligne que la « roumanisation » forcée du passé a effacé non seulement la diversité culturelle, mais aussi la capacité à comprendre et à gérer la différence. En conséquence, de nombreux migrants roumains non seulement ne parviennent pas à s'intégrer, mais ne le souhaitent plus : ils se réfugient dans le projet imaginaire d'une Roumanie « pure », vierge des valeurs de l'Europe libérale.

Que peut-on faire ?

Face à ce paysage complexe, toute solution doit être multidimensionnelle : programmes d’éducation aux médias, développement de compétences interculturelles, soutien en matière de santé mentale, éducation civique et véritable reconnexion entre l’État roumain et ses citoyens à l’étranger – que ce soit temporairement ou définitivement.

« Nous avons également besoin de programmes qui informent les Roumains de leurs droits et responsabilités dans les pays où ils vivent », déclare Alina Dolea, « ainsi que d’une éducation civique et du développement de compétences de navigation interculturelle — des compétences qui aident les Roumains à préserver leur identité grâce à l’interaction avec d’autres identités, ethnies et cultures. »

Les Roumains de la diaspora ne sont pas simplement « manipulés » ; ils réagissent à des expériences directes d'aliénation, à des crises non résolues, à un manque de soutien et de sens. Comprendre cette dynamique est essentiel pour quiconque souhaite construire une démocratie fonctionnelle et une relation authentique entre l'État et son peuple, où qu'il se trouve.

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